La couleur des sentiments, Kathryn Stockett

Publié le par Gwenliliso

stockett

 

Il connaît actuellement un succès phénoménal dans le monde entier, il est sorti en septembre dernier et ses ventes ne faiblissent pas en librairie depuis. Il s’agit de « La couleur des sentiments » de Kathryn Stockett, paru en France aux éditions Jacqueline Chambon, une filiale d’Actes Sud.

Honnêtement, c’est le meilleur livre que j’ai lu depuis des mois, avec sans doute « Prodigieuses créatures » de Tracy Chevalier et « Le goût des pépins de pomme » de Katharina Hagena. Au debut, il ne m’inspirait pas tant que ça, et à peine commencé je n’ai pas pu m’arrêter et j’ai du lire les 400 pages en 3 jours, j’ai lu en marchant, en mangeant, en faisant la queue au magasin, en surveillant le bain des enfants… Vous pouvez demander à mon mari il s’en souvient très bien…Il a déjà reçu en France le prix du Meilleur livre de l’année Télématin France 2 et le prix du Meilleur roman étranger pour le Grand prix littéraire du web, et je pense que ce n’est pas fini. Aux Etats-Unis, il s’est déjà vendu à deux millions d’exemplaires et Steven Spielberg vient de racheter les droits pour réaliser l’adaptation au cinéma.

Le titre n’est pas terrible je trouve, il ne reflète pas au mieux l’esprit du livre, en anglais c’est « the Help », l’aide, et c’est plus adéquat.


Alors, de quoi s’agit-il finalement ? 

Nous sommes à Jackson, Mississipi, pas très loin de la Nouvelle-Orléans, en 1962.On commence doucement à parler de droits civiques, Martin Luther King émerge et parle d’organiser une marche à Washington où il prononcera son célère discours. C’est l’époque d’Elvis Presley, de l’assassinat de Kennedy, du début des hippies et de la guerre du Vietnam.

Mais dans le Mississipi, rien n’a changé depuis la guerre de Sécession ou presque, d’ailleurs dans chaque maison on garde le pistolet du grand-père ou des bouts de drapeaux confédérés en souvenir des héros. C’est le pays des planteurs de coton, et il n’y a pas si longtemps les esclaves travaillaient encore dans les champs. Ce sont désormais des travailleurs libres, mais le racisme est toujours aussi fort. Les noirs travaillent toujours pour les blancs pour des salaires de misère, ils habitent dans une partie séparée de la ville, ils n’ont pas le droit d’avoir les mêmes écoles, les mêmes magasins, ni les mêmes toilettes ! depuis peu ils peuvent s’asseoir où ils veulent dans le bus grâce à Rosa Parks, qui avait refusé de laisser la sienne quelques mois avant.

Dans ce climat pesant, où il fait chaud toute l’année, d’une moiteur étouffante sous un soleil de plomb, on rencontre les trois personnages principaux du livre : Aibileen et Minny, deux bonnes, et Miss Skeeter, la fille d’un planteur. Chacune son tour devient la narratrice, selon l’alternance de chapitres. Et l’écrivain fait en sorte que chacune ait une « voix » qu’on reconnaisse tout de suite sa diction, son caractère. C’est une difficulté supplémentaire dans un livre de créer plusieurs narrateurs et là c’est très réussi puisque chacune résonne différemment.

 

martin-luther-king-jr-dates-regard.jpg


Miss Skeeter est amie depuis l’enfance avec Miss Hilly et Miss Elizabeth, chez qui travaillent Aibileen et Minny. Aibileen vient de perdre son fils deux ans auparavant, écrasé par un camion et jeté comme un sac devant les urgences. Minny a cinq enfants et un mari alcoolique qui la frappe et une grande bouche qui la fait renvoyer successivement de toutes les patronnes blanches du coin. On est frappés par le racisme violent qui règne encore a cette époque, ça nous happe dans l’histoire tellement c’est révoltant : le Ku Kux Klan n’est pas loin, et frappe régulierement, surtout ceux qui ont l’audace de briser la loin du silence : ils sont abattus devant chez eux ou pendus a des arbres.

Chez les blanches, l’ambiance est plus douce, ces dames passent leur vie à la Ligue féminine, a organiser vente de galas, tournois de bridges et soirées mondaines. Leurs bonnes veillent sur tout et éduquent les enfants.Mais attention a ne pas trop gratter le vernis… Elles sont prêtes à envoyer leurs domestiques en prison pour une simple rumeur de vol. Il ne faut pas non plus généraliser. Il faut savoir que souvent une bonne rester servir une famille plusieurs dizaines d’années et que de liens tres forts existaient entre elle et la famille. Les enfants adorent leur nounou, et les mères apprécient l’aide de ces travailleuses inépuisables.


C’est dans ce contexte que Skeeter, un peu trop grande, un peu trop frisée, un peu trop seule, et qui rève de devenir écrivain, décide de réaliser un livre d’entretiens avec des domestiques pour qu’elles témoignent de leur conditions de travail dans les familles du Sud. Elle a même déjà trouvé une éditrice à New York. Mais evidemment, personne ne veut l’aider parmi les bonnes. Ce serait risquer sa place, et meme pire : le petit fils de l’une d’entre elles vient d’etre tabassé parce qu’il s’était trompé de toilettes publiques et avait emprunté celle des blancs.

Nous assistons alors a une alliance – amitié serait trop forte au debut – pour mettre à jour ce projet, qui sonne un peu comme une secrète vengeance contre ces brimades quotidiennes. Une belle histoire de vie…

J’admire vraiment le travail de Kathryn Stockett qui a effectué un gros travail de recherches pour ce roman. Bon, elle connaît bien le sujet : elle vient elle-même de Jackson et a été élevée par une bonne noire, a qui elle a dédié le roman, car tout est parti de la : elle s’est demandée, mais en fait, on ne lui a jamais demandé a elle, ce qu’elle en pensait de travailler pour nous ?

Les bonnes avaient leur propres toilettes dans les garages ou au fond des jardins car des prospectus disaient : 99% des maladies des noirs se transmettent par l’urine, protégez vous pour ne pas être handicapés à vie, construisez leur des toilettes séparés…

 

king307.jpg


Miss Skeeter va découvrir à un moment du livre dans la bibliothèque un recueil de lois, les lois Jim Crow qui contiennent les articles suivants (qui sont de veritables articles de lois ayant existé, il faut bien le réaliser) :

-Aucun coiffeur de race noire ne peut coiffer une blanche

-Les livres d’école ne peuvent pas être échangés d’une école de noire à celle des blancs et doit continuer à etre utilisé par la même race ( !)

Evidemment, pas de mariages mixtes, ni de partage des hopitaux, des cimetières, tables de billards… la liste est longue.


Elle a été elle-même très surprise du succès du livre et est submergée par les demandes de dédicaces et d’interviews, j’ai vraiment hâte de voir le film qui en sera adapté.

Je me suis vraiment attachée aux personnages, le fait de les écouter parler ainsi, à la première personne aide à mieux les connaître, j’étais triste d’avoir fini le livre car je savais qu’elles allaient me manquer ! Il ya beaucoup de moments drôles et émouvants. Par exemple qd Minny fait une chose abominable a sa patronne –que je ne révélerai pas ici puisque c’est un suspense jusqu’à la fin- ou quand on voit aibileen élever la petite mae mobley que sa maman regarde a peine et qu’elle lui répète –tu es forte, tu es belle, tu es intelligente-  alors qu’elle sait, c’est inéluctable, que dans quelques années cette petite fille lui échappera, elle sera une blanche, une vraie, a qui on apprend que la couleur des peaux est la pour une bonne raison : les noirs sont inférieurs. Et ça lui déchire le cœur d’avance.

Il y a des personnages blancs secondaires qui sont aussi attachants, Miss Celia par exmple, la nouvelle patronne de Minny, sortie de sa campagne, clone parfait d’une Marylin Monroe trop fardée et qui courre apres l’affection des dames de la ville sous l’œil de sa domestique effarée.

Ou les parents de Skeeter, qui traversent la maladie dignement.

 

SonHouse.jpg


Vraiment, une belle révélation, ce livre est un petit bijou que je ne me lasserai pas de recommander. Comme quoi, avec un même thème, un roman peut etre tellement différent… Ici, avec le talent et la plume de kathryn Stockett c’est réussi, tout simplement.

Ça m’a fait penser au film « Le secret de Lily Owens », adapté du livre « La vie secrète des abeilles » de Sue Monk Kidd. On est dans la même ambiance poétique et bien tourné sur fond de racisme et d’événements tragiques. D’ailleurs dans le film, trois chanteuses américaines y jouent très bien : Queen Latifah, Alicia Keys et Jennifer Hudson.

Si vous aimez ce livre, une fois fini d’ailleurs si vous ne les avez pas déjà lus, je vous conseille de vous replonger dans « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » de Harper Lee ou « Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage » de maya angelou.

 

Kathryn-Stockett_9946.jpg


Thomas Stélandre journaliste de Libération, l’a bien compris lui dans sa critique du 2 septembre 2010 : Il écrit

« Entre le roman de facture classique sur la société américaine et ses carcans - racisme, misogynie - et le récit d'amitié, Kathryn Stockett a trouvé avec la Couleur des sentiments une équation infaillible, dont le succès s'entend aisément. On y trouve ce qu'il faut de tendresse, d'émotion et d'humour pour satisfaire tout le monde, y compris les cyniques...
L’'auteur a pour elle de vraiment donner chair à ses personnages. Elle les dessine en une phrase («Miss Skeeter, on dirait toujours que c'est quelqu'un d'autre qui lui dit comment s'habiller»), les tient sur plus de 500 pages. Il en va de même pour les dialogues et les décors. Tout s'imprime très vite dans l'esprit. On croirait voir un film, qui ressemblerait un peu à la Couleur pourpre »

 


Publié dans Critiques

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
<br /> Un très gros coup de coeur pour moi!!<br /> <br /> <br />
Répondre